Science exacte, d'essence mathématique, la cartographie est aussi un art dans la mesure où elle impose de nuancer et de compléter l'objectivité des mesures de la Terre par des interprétations subjectives. Comme science, elle est tributaire du progrès des connaissances ainsi que du progrès des instruments et des méthodes d'observation et d'évaluation des phénomènes qu'elle a pour mission de représenter. Ses liens sont évidents avec la géographie, mais aussi avec toutes les sciences qui ont à étudier la répartition d'un fait quelconque concernant l'espace terrestre. Comme art d'expression, elle se confronte, en amont, aux techniques de réalisation graphique et de diffusion de la pensée.
Au Moyen-Âge, ce sont les Arabes qui, dépositaires des idées de Ptolémée, réalisent de grandes
uvres cartographiques. La cartographie européenne connaît un renouveau seulement à partir des
XIVè-XVè siècles, surtout en Italie et en Espagne. Les grands navigateurs comme Christophe
Colomb et Amerigo Vespucci vont élargirent considérablement les connaissances
géographiques. Néanmoins, la cartographie est maintenant l'apanage des mathématiciens et des
astronomes.
À partir du XVIIè siècle, l'administration et les campagnes militaires nécessitent des cartes de plus en plus précises. Sous l'impulsion de Colbert, une cartographie complète du royaume est réalisée et La Hire peut présenter en 1682 une carte d'ensemble de la France à Louis XIV. Ensuite, les Cassini, grâce à une nouvelle triangulation générale, établirent de 1748 à 1817 une carte de France qui servira de modèle aux cartographes du monde entier pendant un siècle et demi.
La cartographie moderne a surtout profité des progrès de la géophysique dans la détermination de l'ellipsoïde, mais aussi du perfectionnement technique des instruments de mesure, de l'usage systématique de la photographie dans les traitements graphiques et du développement de l'impression polychrome. À partir de 1930, l'emploi de la photographie aérienne puis de la télédétection par satellites dans le levé du terrain, enfin l'introduction du traitement informatique des données et de l'automatisation des opérations graphiques marquent l'essor d'une ère nouvelle. L'IGN1.1 qui, depuis 1940, a remplacé le service géographique de l'armée, publie de très nombreuses autres cartes, cartes du monde et cartes des États d'expression française auxquels il apporte une aide technique appréciable.
La connaissance cartographique du monde est loin d'être également avancée sur toute la Terre, au moins aux moyennes et aux grandes échelles. Longtemps fondée sur des besoins essentiellement militaires ou scientifiques, elle est insuffisante pour le développement économique de la planète. Les progrès espérés font appel à la collaboration internationale, à la télédétection et à l'automatisation. Il s'ensuit une unification progressive des méthodes et des techniques qui efface peu à peu l'originalité des cartographies nationales.
Stocker sous forme de fichiers numérisés des informations pour pouvoir ensuite les traiter et produire automatiquement des documents graphiques de toutes sortes est l'objet de l'infographie. Appliquée à la cartographie, l'infographie est la cartographie assistée par ordinateur (CAO). Ainsi se créent un peu partout des systèmes d'informations géographiques (S.I.G.) qui ont pour but de rassembler, d'organiser, de localiser, d'analyser et de gérer un lot sans cesse croissant et mis à jour de données cartographiables. L'informatisation touche donc toute la chaîne de production des cartes, depuis l'enquête sur le terrain ou la télédétection jusqu'aux sorties sur écran conversationnel ou sur imprimante en noir ou en couleurs. Tables à numériser, traitement statistique ou matriciel des données, traceurs électroniques commandés par ordinateur permettent l'exécution rapide et de qualité de multiples produits: visualisations d'essai ou de contrôle sur écran, changements d'échelle ou de projection, confection de typons d'imprimerie et même création de figures d'un nouveau type comme les anamorphoses ou les représentations en trois dimensions.
Actuellement, les problèmes que rencontre la cartographie assistée par ordinateur tiennent moins à
la réalisation technique des cartes qu'au choix et au coût des matériels et surtout à la collecte et
à la mise en uvre des données. La description de l'espace en mode numérique dans les banques de
données, l'organisation et la création de l'image cartographique exigent du cartographe une grande
familiarité avec les thèmes cartographiés. Débarrassé des soucis techniques par la machine, le
cartographe n'est plus un simple dessinateur, mais un opérateur capable de maîtriser les concepts et
les taxons de la discipline qu'il se charge d'illustrer.
La localisation des figures en
et en
est relativement facile grâce aux traceurs automatiques
; mais les données qualitatives ou quantitatives en
sont loin d'être connues pour tous les points
du plan. La source principale de documentation reste en effet l'enquête sur le terrain,
nécessairement discontinue. Certes, la télédétection est exhaustive, mais elle ne prendrait toute sa
valeur que si, comme peu de pays l'ont fait jusqu'à présent, les observations, réelles ou calculées,
étaient rapportées à une grille dont les mailles seraient de mêmes dimensions que celles des unités
d'image élémentaires, ou pixels, des documents satellitaires. Dans ces conditions, la figuration des
cartes statistiques est plus facile que celle des phénomènes concrets. Les ordinateurs tracent
automatiquement les lignes isarithmes, et la représentation par taches des statistiques
administratives ne présente guère de difficultés. Mais les choses se compliquent avec l'introduction
d'objets géographiques réels tels que formes du relief, hydrographie, bâtiments, voies de
communications, etc. L'IGN a cependant réussi à effectuer automatiquement la carte de base de
la France au 1:25 000 à partir des photographies aériennes au 1:30 000. Et on se préoccupe
activement d'établir des S.I.G. à partir de diverses données naturelles, géologiques,
géomorphologiques, pédologiques, phytogéographiques, etc.
Pourtant, si séduisante soit-elle, la cartographie assistée par ordinateur a ses limites. La mise en mémoire et la gestion d'un S.I.G. sont souvent plus longues et plus coûteuses qu'une cartographie classique. Les phénomènes naturels, notamment, toujours complexes et généralement singuliers, ne sont guère répétitifs, de sorte que la rentabilité et les avantages de l'automatisation ne sont pas toujours assurés, même si la lisibilité et l'esthétique des cartes sont maintenant affirmées. Il reste donc encore une place honorable pour la cartographie traditionnelle, notamment dans le cadre d'ouvrages territorialement limités. L'appel sur écran cathodique de documents qu'on peut compléter, corriger, modifier, extraire et reproduire par l'imprimerie ou transmettre par télématique offre en revanche des perspectives nouvelles. Une voie s'ouvre là à une certaine cartographie de recherche et de communication qui est peut-être, avec le couplage des banques de données, de la télédétection et du traitement informatique, la voie la plus originale de la cartographie à l'ère des ordinateurs.